Une étude récente menée par Deezer en collaboration avec l’institut de sondage Ipsos révèle une réalité assez troublante : pour la quasi-totalité des gens, il est aujourd’hui quasi impossible de savoir si une chanson a été créée par une intelligence artificielle ou par un artiste humain. Lors de tests « à l’aveugle », 97 % des participants n’ont pas réussi à identifier correctement les morceaux entièrement générés par l’IA.
Le constat intrigue, parfois inquiète… mais il ne devrait pas masquer l’essentiel. Car le vrai sujet n’est pas la technologie. Le vrai sujet, c’est ce que nous choisissons d’en faire.
La musique a toujours évolué avec les outils de son époque. Synthétiseurs, boîtes à rythmes, logiciels de MAO, streaming… chaque innovation a bousculé les usages, sans jamais faire disparaître l’émotion. L’intelligence artificielle, toutefois, marque une étape nouvelle : pour la première fois, la machine peut produire seule, massivement, et de manière indiscernable. Et c’est précisément là que la webradio prend tout son sens.
La webradio, un espace d’écoute… mais aussi de conscience
Sur une webradio, on ne « zappe » pas simplement des morceaux. On entre dans une ambiance, une ligne éditoriale, une relation de confiance. Contrairement aux plateformes entièrement automatisées, la webradio reste souvent un espace de choix humain : une programmation pensée, une identité sonore, une narration.
Dans un monde d’écoutes en flux continu, de playlists générées par algorithme et de recommandations infinies, écouter sans savoir ce que l’on écoute n’est jamais anodin. Ce n’est pas une question de purisme, mais de liberté.
• Choisir, c’est savoir.
• Et informer l’auditeur, c’est lui redonner du pouvoir.
La musique diffusée sur une webradio n’est pas un simple fond sonore. Elle raconte quelque chose. Un univers. Une intention. Effacer l’origine d’un morceau — humain ou assisté par IA — revient à en effacer une partie du sens.
L’IA n’effraie pas l’art, elle interroge notre rapport à lui
Ce que redoutent les artistes, ce n’est pas que l’IA fasse de la musique. C’est que leur travail devienne invisible au milieu d’une production infinie, sans histoire ni face humaine. Une musique générée à grande échelle peut séduire l’oreille, mais elle risque aussi d’uniformiser l’écoute, de lisser l’audace, de transformer la création en simple produit optimisé.
L’intelligence artificielle apprend à partir de ce qui existe déjà. Or l’art, lui, progresse en sortant des modèles. Grâce à l’erreur, au doute, à l’accident, au vécu. Confondre imitation et invention serait une erreur. La webradio, en tant que média de proximité et de passion, peut justement préserver cet espace de singularité.
Diffuser, c’est aussi prendre position
Derrière la question artistique se cache une réalité économique. Lorsqu’une musique générée par IA est diffusée sur une antenne, qui crée ? Qui est rémunéré ? Qui bénéficie réellement de la valeur produite ?
Une webradio n’est pas qu’un diffuseur technique. Elle joue un rôle éditorial et culturel. En choisissant ce qu’elle programme — et comment elle l’explique — elle participe à structurer l’écosystème musical. Ignorer ces questions reviendrait à accepter une dépossession silencieuse : une musique omniprésente, mais déconnectée de ceux qui l’ont rendue possible.
L’ennemi n’est pas l’IA, mais l’opacité
Refuser l’intelligence artificielle serait une erreur. Utilisée intelligemment, elle peut devenir un outil fascinant : aide à la composition, exploration sonore, création de nouvelles textures. Mais une condition est essentielle : que la main humaine reste visible, assumée et respectée.
Pour les webradios, le défi n’est pas de trancher entre musique humaine ou musique assistée par IA. Il est de créer un cadre clair, honnête et cohérent avec leur identité.
• Dire ce qui est diffusé.
• Expliquer les choix.
• Donner le contextе.
La transparence n’entrave pas l’innovation. Elle la rend crédible.
Vers une diffusion musicale plus responsable
Identifier les œuvres générées ou assistées par IA n’est pas une contrainte. C’est un acte de respect envers l’auditeur et les artistes. Offrir le choix n’appauvrit pas l’écoute : au contraire, cela la renforce. La musique ne disparaîtra pas à cause de l’intelligence artificielle. Mais elle pourrait perdre son sens si nous acceptons de ne plus savoir d’où elle vient, ni pourquoi elle est là. Les webradios ont un rôle clé à jouer dans cette transition : celui de relais humain dans un monde algorithmique.
L’avenir de la musique sera relationnel
L’avenir de la musique ne se résume pas à une opposition entre humain et machine. Il se construit dans les décisions collectives que nous prenons — en tant qu’artistes, diffuseurs, programmateurs et auditeurs. Une webradio n’est pas qu’un flux audio. C’est un lien. Une intention. Une relation. Et au fond, peu importe l’outil utilisé pour créer un morceau. Ce qui compte, c’est ce qu’il nous fait ressentir… et le sens que nous choisissons de lui donner.