Depuis plusieurs années, les radios musicales FM connaissent un recul de leur audience en France. Au siècle dernier incontournables, ces stations peinent désormais à rivaliser avec de nouveaux acteurs et à fidéliser un public de plus en plus volatile. Quels sont les ressorts de cette désaffection ? Le digital peut-il offrir un second souffle à la radio musicale ? Décryptage.
La concurrence féroce du streaming
L’une des principales causes de la baisse d’audience des radios musicales FM réside dans la montée en puissance des plateformes de streaming audio. Spotify, Deezer, Apple Music et consorts ont bouleversé les habitudes d’écoute, notamment chez les jeunes générations. Ces services proposent un accès illimité à des millions de titres, des recommandations personnalisées et la possibilité d’écouter sa musique sans publicité, à tout moment. Résultat : entre 2015 et 2019, les radios musicales françaises ont perdu 13 % de leur audience, soit près de 1,2 million d’auditeurs.
Des usages et des loisirs en pleine mutation
La radio n’est plus le seul média à accompagner les moments de détente ou de déplacement. Les jeunes, en particulier, consacrent désormais une part croissante de leur temps libre à d’autres loisirs numériques : streaming vidéo, réseaux sociaux, jeux en ligne… Cette diversification des usages s’est traduite par une baisse générale du temps d’écoute de la radio, toutes catégories confondues, même si les stations généralistes résistent mieux que les musicales.
Mouv’ : un exemple frappant de la crise des musicales FM
Créée en 1997, Mouv’ avait pour ambition de capter une audience jeune avec une programmation axée sur les musiques urbaines. Malgré des efforts constants pour moderniser son image et diversifier ses formats (podcasts, contenus exclusifs), la station n’a jamais réussi à fédérer un large public. En 2024-2025, Mouv’ affichait une audience cumulée de seulement 0,5 %, soit environ 276 000 auditeurs quotidiens, un chiffre en baisse par rapport à l’année précédente. Face à cette réalité, Radio France a pris une décision historique : mettre fin à la diffusion FM de Mouv’ dès septembre 2025. La station deviendra alors 100 % numérique, accessible uniquement sur le web et via le DAB+ (radio numérique terrestre).
Ce virage s’inscrit dans un contexte de restrictions budgétaires pour l’audiovisuel public, mais aussi dans une volonté de concentrer les efforts sur les supports d’écoute privilégiés par les jeunes. La grille de Mouv’ devrait ainsi devenir essentiellement musicale, avec la suppression de la plupart des chroniques et émissions d’actualité.
Un renouvellement éditorial difficile
Face à la richesse et à la diversité des contenus disponibles en ligne, les radios musicales peinent à se démarquer. Leurs grilles de programmes, souvent jugées trop formatées, manquent parfois d’innovation ou de personnalités capables de créer un lien fort avec l’auditeur. Par ailleurs, leur public historique vieillit : la part des 13-24 ans, autrefois pilier de ces stations, ne cesse de diminuer au profit des tranches d’âge plus âgées.
Le digital, nouvel eldorado de l’audio
Pourtant, tout n’est pas sombre dans le paysage radiophonique. Si la FM décline, la radio digitale affiche une santé insolente. En 2024, près d’un quart du volume d’écoute quotidien de la radio s’effectue sur des supports numériques (applications mobiles, web, enceintes connectées), une proportion en hausse de 67 % en cinq ans. Près de 9,7 millions de Français écoutent chaque jour la radio en digital, et les podcasts séduisent désormais 22 millions d’auditeurs mensuels.
Certaines stations tirent particulièrement bien leur épingle du jeu sur ce nouveau terrain. C’est le cas des antennes du service public, comme France Inter, France Culture ou Fip, qui réalisent une part croissante de leur audience en ligne. France Inter, par exemple, a enregistré 39 millions d’écoutes actives en janvier 2025, un record. Fip, de son côté, réalise désormais plus de la moitié de ses écoutes en digital.
Le succès du digital tient à sa flexibilité : écoute en direct ou en différé, podcasts à la demande, playlists thématiques… Ces nouveaux usages fidélisent les auditeurs et attirent des publics plus jeunes et urbains, en quête de personnalisation et de mobilité.
Si la radio FM conserve une place importante dans le paysage audio français, l’avenir des radios musicales semble désormais s’écrire en ligne. Le défi, pour ces stations, sera d’innover dans leurs formats et de s’emparer pleinement des opportunités offertes par le numérique pour reconquérir le cœur des auditeurs.
Sources : Médiamétrie, Les Echos, Le Monde, chiffres officiels des radios publiques et privées (2023-2025).